L’industrie maritime : une page importante de l’histoire de Charlevoix
L’histoire de Charlevoix est indissociable de celle de la navigation. Il s’y est construit plus de 500 bateaux dont près de 375 goélettes, d’abord à voiles, puis à moteur.
La construction des goélettes débute durant le premier tiers du 18e siècle, dans la région immédiate de Québec. De création typiquement nord-américaine et réputées pour leur maniabilité, leur bonne tenue en mer requérant un équipage restreint, les goélettes à voiles deviennent rapidement populaires pour le cabotage (transport de marchandises le long des côtes). À cette époque, il s'agit d'un bâtiment à quille, jaugeant généralement entre 30 et 100 tonneaux, portant deux mâts et des voiles auriques.
Au fil de l’eau et du temps, elles seront remplacées par des goélettes à fond plat, gréées en ketch (c'est-à-dire que le mât le plus long est placé à l'avant) et mieux adaptées aux échouages obligés en raison des marées.
LA MARIE-LOUISE
Les premières goélettes construites dans la région brisent l’isolement des populations de l’Isle-aux-Coudres, de Baie-Saint-Paul et des Éboulements. C’est en 1793 qu’on inscrit au Registre des navires une première goélette en provenance de Saint-Joseph-de-la-Rive, alors connu comme étant Les Éboulements-en-Bas. La Marie-Louise, faisant 46 tonneaux a été construite par Jean-Baptiste Bonneau, un navigateur de l'endroit.
LA CONSTRUCTION NAVALE
Surtout vers le milieu du 19e siècle, l’activité économique liée au développement des villages de la vallée du Saint-Laurent, l'approvisionnement des grandes villes, dont Québec, favorise l'essor de la construction navale dans des régions comme Charlevoix, en particulier à Saint-Joseph-de-la-Rive. L'industrie de la navigation fournit du travail à des centaines de personnes. Pendant toute la durée du 19e siècle, plus d'un bateau en moyenne par année sera construit sur les berges du village, et certaines années, comme en 1855, on en lancera pas moins de cinq.
À l’époque, les goélettes étaient généralement construites avec un équipement rudimentaire, sur un chantier chaque fois improvisé et, dans la majorité des cas, par les hommes mêmes qui allaient opérer les bateaux après leur lancement. Contrairement à Québec et à ses environs immédiats, où les grands chantiers maritimes sont centralisés et organisés pour une production industrielle, la construction navale dans Charlevoix est demeurée une activité artisanale.
Vers les années 1920, la goélette subit ses dernières transformations, perdant définitivement ses voiles, adoptant le moteur diesel tout en ajoutant à l’arrière une timonerie qui domine un aménagement réservé à l’équipage alors qu’on ajoute à l’avant un gaillard qui protégera davantage la cargaison transportée sur le pont.
Fait à noter, malgré ces changements importants, le terme « goélette » dénomme ces bateaux jusqu'à la fin de leur utilisation dans les années 1970.
LE CHANTIER MARITIME DE SAINT-JOSEPH-DE-LA-RIVE
Malgré la vitalité de la construction navale à Saint-Joseph-de-la-Rive, ce n'est qu'en 1946 qu'un chantier maritime permanent apparaît dans le paysage grâce à l’investissement d’une vingtaine d’hommes et de femmes du village.
Nommée Chantiers maritimes de Charlevoix ltée, et jusqu’en 1972, l’entreprise se consacre presque essentiellement à l'hivernage et à l'entretien des goélettes appartenant aux navigateurs de la région.
LE DÉCLIN DES GOÉLETTES
La construction des goélettes de bois à Saint-Joseph-de-la-Rive décline progressivement, pour cesser complètement en 1952 avec le lancement de la Mont-Ste-Marie. La construction des routes reliant chaque village, le transport par camion et la compétition provenant des navires en acier, d’une capacité bien supérieure aux goélettes de bois, ont sonné le glas à ce type de cabotage.
Ainsi, l’une après l’autre, les goélettes ont été échouées sur les rives qui les ont vues naître. En 1978, les dernières goélettes en état de naviguer quittent définitivement le fleuve Saint-Laurent. Ne resteront que la Jean-Yvan et la St-André utilisées pour l’apprentissage de cadets ou pour des excursions, avant de finalement mettre le cap sur le chantier maritime de Saint-Joseph-de-la-Rive, devenu depuis le Musée maritime de Charlevoix.
LES GOÉLETTES CONSTRUITES EN CHARLEVOIX
Ethnologue et ami du Musée, Michel Desgagnés poursuit des travaux sur les goélettes depuis ses années d’études universitaires. Il est notamment l’auteur du livre Les goélettes de Charlevoix paru en 1977 aux éditions Leméac. Cet ouvrage contient une liste des goélettes de Charlevoix qu'il s'est efforcé de compléter. En mars 2020, il a autorisé le Musée à la publier. Une autre façon de raconter l'histoire des goélettes.
